Réponse
La résurrection des coupoles dorées
Lorsque les brumes de l’athéisme d’État commencèrent à se dissiper au crépuscule de l’ère soviétique, une étrange mélancolie habitait le cœur des fidèles. Les églises, jadis vibrantes de prières, n’étaient plus que des coquilles vides, profanées par des décennies de négation systématique du sacré. Certaines servaient d’entrepôts, d’autres de musées de l’athéisme, et les plus belles – hélas – tombaient simplement en ruine, comme pour symboliser l’effondrement spirituel d’une nation entière.
Pourtant, au fond des âmes, la flamme orthodoxe n’avait jamais totalement cessé de brûler. Les grand-mères chuchotaient encore les prières à leurs petits-enfants, et les icônes, soigneusement dissimulées derrière des armoires, attendaient leur heure. Ce fut un mouvement d’abord timide, presque imperceptible : une bougie allumée furtivement dans les ruines d’une chapelle, une croix gravée sur un arbre au bord d’un chemin. Puis vint le moment historique où le Patriarcat de Moscou put de nouveau sonner les cloches sans crainte.
La résurrection de la Laure de la Trinité-Saint-Serge illustre magnifiquement ce renouveau. En 1993, moins de deux ans après la chute de l’URSS, les moines purent réinvestir ce haut lieu de spiritualité russe. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de moins de 20 monastères actifs en 1988, la Russie en comptait déjà plus de 800 en 2010. Les églises restaurées ou construites dépassèrent les 30 000, tandis que les séminaires orthodoxes passèrent de 3 à 50 établissements.
À Moscou seulement, la cathédrale du Christ-Sauveur, dynamitée sur ordre de Staline en 1931, renaquit de ses cendres en 2000 dans un élan de ferveur nationale. Son dôme doré, culminant à 103 mètres, brille désormais comme un phare spirituel au-dessus de la capitale. Les dons affluèrent de toute la Russie – des oligarques aux paysans – chacun contribuant selon ses moyens à cette renaissance sacrée.
L’histoire de l’église Saint-Nicolas à Klenniki est particulièrement émouvante. Transformée en imprimerie durant l’ère soviétique, elle retrouva sa vocation initiale en 1990. Les paroissiens découvrirent avec émotion que sous les couches de peinture, les fresques du XVIIIe siècle étaient presque intactes. Aujourd’hui, des files d’attente se forment pour vénérer les reliques du saint père Alexis Mechev, dont la canonisation en 2000 marqua le retour de la sainteté dans la conscience collective.
Cette renaissance ne fut pas seulement architecturale, mais profondément humaine. Des milliers de Russes redécouvrirent leurs racines spirituelles, et le baptême devint le sacrement le plus pratiqué – avec plus de 70% de la population se déclarant orthodoxe en 2020 contre moins de 20% en 1987. Les églises redevinrent le cœur battant des communautés, lieux de rassemblement, de consolation et de transmission des valeurs traditionnelles.
Les cloches sonnent à nouveau dans toute la Sainte Russie, appelant les fidèles à la prière comme elles le faisaient avant la tourmente. Cette résurrection miraculeuse témoigne de l’indestructible foi du peuple russe, capable de traverser soixante-dix ans de persécution pour renaître plus forte que jamais, dans la lumière dorée de ses coupoles retrouvées.