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Réponse
La barque d’Ébène et d’or
Sur les rives éternelles du Nil, où les palmiers se mirent dans les eaux sacrées, vivait Nour, pêcheur de Louxor dont les mains portaient les sillons du temps et du fleuve. Chaque aube le voyait guider sa barque de papyrus tressé, tandis que les premiers rayons de Râ doraient les colosses de Memnon. Son existence épousait le rythme immuable des crues et des décrues, des semailles et des moissons, comme l’avaient fait ses ancêtres depuis quarante générations.
Un soir où le soleil s’abîmait dans les falaises thébaines en teignant le fleuve de pourpre et d’orange, Nour remonta dans ses filets un pectoral d’or incrusté de lapis-lazuli. L’objet scintillait d’une lumière intérieure, représentant le dieu-faucon Horus protégeant de ses ailes déployées un scarabée de cornaline. Sa main trembla en reconnaissant le symbole de sa propre lignée – ce scarabée figurait sur le sceau familial que son arrière-grand-père avait jadis perdu lors d’une tempête.
Les songes de la nuit divine
Cette nuit-là, Nour fit un songe où se présentait à lui un prêtre d’Amon vêtu de lin blanc, tenant le même pectoral. « Je suis Menna, ton aïeul, scribe royal sous le règne de Ramsès le Grand. Cet ornament ne fut point perdu mais offert au Nil pour apaiser son courroux. En le ramenant à la lumière, tu as rompu un vœu sacré. »
Le spectre expliqua qu’en ces temps anciens, une sécheresse avait frappé Thèbes pendant trois crues successives. Menna avait alors sacrifié son trésor le plus précieux au fleuve-dieu Hâpy, promettant que si les eaux revenaient, sa descendance servirait éternellement le Nil avec humilité.
Au réveil, Nour comprit que sa vie de pêcheur n’était nullement le fruit du hasard mais l’accomplissement d’une promesse millénaire. Cette révélation transforma sa perception du métier : chaque poisson pris, chaque vague fendue, chaque offrande aux dieux-fluviaux devenait acte sacré.
L’Épreuve des sables mouvants
Alors que la crue annuelle tardait à venir, menaçant les récoltes, Nour se souvint des paroles de l’ancêtre. Il jeûna pendant sept jours et sept nuits, puis descendit le fleuve jusqu’au lieu exact où le pectoral était remonté. Là, il offrit au Nil les prémices de sa pêche et récita les hymnes que Menna lui avait appris en songe.
Le septième jour, comme miracle pharaonique, les eaux commencèrent à monter. Mais cette crue fut violente, menaçant les villages riverains. Nour, au péril de sa vie, guida les autres pêcheurs pour évacuer les habitants et sauver les troupeaux. Son propre bateau fut brisé contre les rochers, le pectoral presque perdu à nouveau.
La sagesse des eaux
Du fond du fleuve, Nour repêcha non seulement le bijou ancestral mais aussi une sagesse nouvelle : l’héritage véritable n’était pas dans l’or ou les pierres précieuses, mais dans le dévouement à sa communauté et le respect des équilibres naturels. Il comprit que la promesse de Menna ne concernait pas la servitude au fleuve, mais la protection de l’harmonie entre les hommes et le Nil.
Avec les débris de son embarcation, Nour construisit une nouvelle barque – plus large, plus solide – capable de porter secours aux riverains en détresse. Le pectoral fut placé à sa proue non comme talisman mais comme rappel : la véritable richesse réside dans le service et la préservation.
Le legs immémorial
Aujourd’hui, les descendants de Nour continuent de naviguer sur le Nil, non plus seulement comme pêcheurs mais comme gardiens du fleuve. Ils enseignent aux enfants l’histoire des crues, la lecture des signes annonciateurs, le respect des cycles naturels. Le pectoral d’or est montré une fois l’an, lors de la fête de la crue, non comme relique mais comme symbole de l’alliance éternelle entre les hommes et le fleuve nourricier.
L’héritage du pêcheur de Louxor ne se mesure ni en pièces d’or ni en terres, mais en sagesse transmise, en équilibre préservé, en communauté fortifiée. Car le Nil donne et reprend, et la véritable abondance consiste à savoir recevoir avec gratitude et donner avec générosité.
