Réponse
La quête de l’immortalité
Dans les contreforts majestueux de l’Himalaya, où les cimes enneigées percent la voûte céleste, le vieux brahmane Devdas entreprit son ultime pèlerinage. Ses membres tremblants sous le poids de quatre-vingt-quatre années de dévotion, il avançait avec une détermination qui défiait les limites de la chair mortelle. Chaque pas le rapprochait de Gangotri, lieu sacré où la Mère Ganga descend du ciel sur les cheveux emmêlés de Shiva.
L’Épreuve des trois nuits
La première nuit, un blizzard impitoyable s’abattit sur la vallée. Devdas, recroquevillé sous un surplomb rocheux, vit ses provisions gelées et son feu éteint. Alors qu’il murmurait les hymnes védiques, un léopard des neiges apparut, ses yeux jaunes brillant dans l’obscurité. Au lieu de fuir, le vieil homme entonna le mantra de protection à Ganga Maa. Miraculeusement, la bête s’assit à ses côtés, partageant sa chaleur jusqu’à l’aube.
La deuxième nuit, des doutes l’assaillirent alors qu’il traversait le pont suspendu de Bhaironghati. Les planches pourries cédaient sous ses pas, le vide de mille mètres l’appelant. « Pourquoi risquer ta vie pour un bain rituel ? » chuchotait Maya, l’illusion. Mais Devdas se souvint de la promesse faite à son fils mourant : purifier leur lignée karmique par cette ablution suprême.
La troisième nuit, à moins de dix kilomètres du but, une fièvre brûlante le consuma. Délirant, il vit les dieux lui offrir la libération immédiate s’il abandonnait sa quête. « Moksha sans avoir touché les eaux sacrées ? » refusa-t-il, préférant renaître mille fois plutôt que de faillir à son dharma.
La révélation des eaux Éternelles
Au petit matin du quatrième jour, exténué mais victorieux, Devdas atteignit le ghat de Gangotri. Alors qu’il s’apprêtait à plonger dans les eaux glacées, une vision le stoppa : la déesse Ganga elle-même surgit du torrent, rayonnante de compassion.
« Pourquoi cherches-tu l’immortalité dans mes eaux, ô Devdas ? » demanda-t-elle, sa voix semblable au grondement lointain des glaciers.
« Pour libérer mes ancêtres et assurer la prospérité de ma lignée, Mère Bienveillante. »
La déesse sourit tristement : « Sache que mes eaux ne lavent que les péchés que l’âme consent à abandonner. L’immortalité que tu cherches n’est pas dans ce fleuve, mais dans les actions vertueuses que tu as semées tout au long de ta vie. »
Le don du dharma
Plongeant malgré tout, Devdas émergea transformé. Ce n’était pas sa mortalité qui avait été lavée, mais son attachement à l’idée même de immortalité. Il comprit que le véritable pèlerinage avait été chaque pas accompli avec dévotion, chaque épreuve surmontée par la foi, chaque doute transcendé par l’amour du divin.
En redescendant vers la plaine, il portait désormais dans son cœur la véritable source du Gange : cette certitude que le dharma bien accomplit est la seule immortalité qui vaille. La légende dit que celui qui boit aux sources du Gange y trouve l’eau, mais que celui qui comprend le pèlerinage y trouve l’éternité.